De nombreuses femmes atteintes d’une cardiopathie congénitale sont ont une grossesse saine. Cependant, une grossesse n’est pas tout à fait sans risque. Il est donc important que la femme en parle à son cardiologue spécialisé en interventions congénitales pédiatriques et adultes, à son obstétricien, voire à d’autres spécialistes comme le périnatologue en médecine fœtale et le néonatologue à l’avance et qu’elle étudie les risques potentiels auxquels elle et le bébé sont exposés.
Préoccupations liées à une maternité sans danger
Plusieurs femmes souffrant d’une cardiopathie congénitale ont une grossesse en santé. La grossesse n’est pas totalement sans risque. Cependant, il est primordial que la femme discute d’abord avec son cardiologue infantile et son cardiologue pour adulte, son obstétricien et peut-être un autre spécialiste tel qu’un spécialiste en périnatologie et médecine fœtale et un néonatologiste pour connaître tout risque éventuel pour elle-même et son enfant.
Mesures à prendre avant de devenir enceinte
Il faut être bien évaluée, et être dans la meilleure condition physique possible avant de tenter de concevoir. La visite préalable à la conception comprendra l’évaluation de la santé globale, la détermination des facteurs de risque potentiels et la discussion à savoir si la grossesse est une option viable.
Les femmes à risque élevé auront besoin du soutien d’une équipe pluridisciplinaire. La femme sera probablement surveillée de près par un obstétricien ayant de l’expérience dans les grossesses à risque élevé, et souvent également par un cardiologue, pour déceler tout problème pendant la grossesse.
Les autres questions à discuter avant la grossesse comprennent l’espérance de vie de la mère et le risque de récurrence d’une cardiopathie congénitale pour sa descendance. Un conseiller en génétique peut aider à déterminer le risque et confirmer la possibilité de composante héréditaire de la cardiopathie congénitale. Une échocardiographie fœtale sera sans doute recommandée. C’est également l’occasion de discuter de toute préoccupation qu’a la femme à l’égard du stress pour son cœur durant la grossesse.
Les hommes peuvent avoir des inquiétudes liées à leur capacité d’avoir une famille et de la soutenir; il est donc très important de discuter avec un cardiologue pour obtenir la bonne information et être acheminé vers un conseiller, si cela est souhaité.
Risques associés à une grossesse
En général, le risque varie en fonction de la cardiopathie, du traitement reçu et de la condition physique de la mère (en termes de santé cardiaque globale). Si le traitement a produit les résultats attendus, et si tous les symptômes ont disparu, le risque est faible. Si certains symptômes continuent de se manifester, qu’il existe encore un risque élevé de complications, le risque global est supérieur. La principale préoccupation est que la grossesse peut aggraver les symptômes de la cardiopathie congénitale, simplement en raison de la pression ajoutée sur le corps, ou elle peut causer des symptômes qui ne s’étaient pas manifestés auparavant dans d’autres parties du corps. Les risques potentiels s’appliquent tant à la mère qu’à l’enfant. Plus particulièrement, les demandes sur le cœur de la mère augmentent considérablement pendant la grossesse et l’accouchement, et elles ont une incidence sur la santé de la mère et celle de l’enfant. Les femmes enceintes atteintes d’une cardiopathie sont susceptibles d’avoir des complications maternelles, notamment une insuffisance cardiaque, une arythmie et un accident vasculaire cérébral. Le cœur de la mère pourrait ne pas revenir à la normale avant six mois après l’accouchement. Un autre problème est l’utilisation de médicaments pendant la grossesse. Certains médicaments pris pour gérer les symptômes cardiaques peuvent être dangereux pour le fœtus. Dans certains cas, et selon le traitement apporté pour soulager un trouble, une fausse couche peut être plus courante.
Ces femmes présentent également à risque accru d’avoir des complications néonatales (surtout si leur risque de complications non cardiaques est plus élevé), notamment une naissance prématurée, un faible poids par rapport à l’âge, une mort fœtale ou du nouveau-né, et une détresse respiratoire. Les femmes atteintes de troubles cyanogènes sont encore plus susceptibles d’accoucher prématurément d’un bébé dont le poids est inférieur à la normale, qui ne se développe pas bien et dont le risque de décès est plus élevé. En plus, l’avortement spontané est plus courant.
Mesure du risque
Les patientes atteintes d’une cardiopathie congénitale sont classées selon les catégories de risque faible, moyen ou élevé :
Risque faible | Shunts gauche-droit Lésions corrigées sans dysfonction cardiaque résiduelle Valvule auriculo-ventriculaire sans sténose Sténose pulmonaire (légère à modérée) Régurgitation valvulaire avec fonction systolique ventriculaire normale |
Risque moyen | Cardiopathie cyanogène non corrigée ou palliée Coarctation aortique non corrigée Sténose aortique Valves prothétiques mécaniques Sténose pulmonaire grave Dysfonction ventriculaire systémique modérée à grave Arythmie symptomatique |
Risque élevé | Insuffisance cardiaque correspondant au stade III ou IV de la classification fonctionnelle NYHA Hypertension pulmonaire importante avec ou sans shunt droit-gauche Syndrome de Marfan avec problème de l’anneau aortique ou complication valvulaire majeure Sténose aortique grave |
Source: J.M. Colman, S.C. Siu, Progress in Pediatric Cardiology 17 (2003), 53-60.
La capacité fonctionnelle est ensuite classée selon la classification fonctionnelle de la New York Heart Association (NYHA) (de I à IV, IV étant le plus grave), de la façon qui suit :
Classe | Définition |
---|---|
I | Aucune limite d’activité physique. L’activité physique normale ne cause aucune fatigue excessive, ni essoufflement. |
II | Légère limite d’activité physique. Confortable au repos, mais l’activité physique normale cause une fatigue ou un essoufflement. |
III | Limite marquée d’activité physique. Confortable au repos, mais une activité physique moins que normale cause une fatigue ou un essoufflement. |
III | Incapacité d’effectuer une activité physique sans avoir des symptômes. Les symptômes sont présents même au repos. Les symptômes s’aggravent si une activité physique est entreprise. |
Les femmes atteintes d’une cardiopathie congénitale cyanogène sont les plus susceptibles d’avoir une grossesse difficile, et des problèmes tels que l’insuffisance cardiaque congestive. Les femmes atteintes d’une maladie obstructive sont également plus à risque de faire de l’hypertension pendant la grossesse. Les femmes qui présentent certains symptômes tels que l’arythmie, l’insuffisance cardiaque ou l’hypertension pulmonaire sont également à risque.
Grossesse à risque élevé déconseillée pour les femmes
Les femmes atteintes du syndrome d’Eisenmenger, d’une maladie vasculaire pulmonaire obstructive ou du syndrome de Marfan avec problèmes aortiques ne devraient pas devenir enceintes. Jusqu’à 50 % des femmes atteintes du syndrome d’Eisenmenger ne survivent pas une grossesse.
Minimiser le risque pendant la grossesse
Les femmes devraient subir une évaluation complète avant de tenter de concevoir. Le médecin peut alors évaluer le risque de chaque patiente et faire tout ce qu’il peut être fait pour minimiser le risque. Avant la conception, une chirurgie est parfois entreprise pour atténuer la cyanose ou corriger d’autres lésions avant une grossesse où le risque serait plus grand.
Le médecin examinera également le régime posologique de la patiente (certains médicaments peuvent être dangereux pour le fœtus), en confirmant que la mère a été vaccinée, qu’elle ne consomme pas d’alcool, qu’elle ne fume pas et qu’elle ne prend aucune drogue à usage récréatif.
Pendant la grossesse, les médicaments pour le cœur pourraient devoir être modifiés, rajustés ou interrompus (p. ex., la warfarine est habituellement interrompue avant la conception). Les troubles qui se développent pendant la grossesse (infection, hypertension, anémie) doivent être traités de façon très vigoureuse. En plus, dans certains cas, le médecin peut recommander des restrictions d’activité physique ou imposer le repos complet.
Le cardiologue peut demander certaines analyses pour déterminer si la grossesse impose trop de stress sur le cœur.
Problèmes cherchés par l’obstétricien
L’obstétricien voudra savoir si la patiente atteinte d’une cardiopathie congénitale est essoufflée, quels sont les exercices qu’elle peut tolérer, si elle a des palpitations, et l’impression de l’effet global de la grossesse sur son corps. L’obstétricien surveillera son pouls, son rythme cardiaque et sa tension artérielle, en plus de vérifier si du liquide s’accumule dans ses chevilles et ses poumons (œdème). Le médecin vérifiera également s’il y a un souffle cardiaque qui pourrait indiquer que la cardiopathie congénitale ou l’infection s’aggrave. De plus, l’obstétricien suivra la croissance du bébé pour s’assurer qu’il atteint les jalons établis.
Garantir une grossesse en santé
Voici quelques recommandations générales qui aideront à garantir une grossesse en santé. Elles s’appliquent à toutes les femmes, pas seulement à celles atteintes d’une cardiopathie congénitale.
- Adopter un régime alimentaire équilibré.
- Ne pas boire d’alcool et ne consommer aucune drogue.
- Ne pas fumer.
- Faire de l’activité physique de façon prudente et régulière.
- Prendre de l’acide folique quotidiennement, et une multivitamine pour compléter une bonne nutrition et se protéger contre les anomalies congénitales. En présence d’antécédents familiaux de certaines anomalies, y compris les cardiopathies congénitales, le médecin peut suggérer à la patiente de prendre une dose quotidienne plus élevée d’acide folique (0,4 mg).
- Gagnez un poids acceptable (en fait, un poids idéal avant la grossesse contribue à garantir la santé optimale de la mère et du bébé). Une étude récente a révélé qu’un excès de poids avant la grossesse augmente le risque de cardiopathies chez le bébé. Cela est peut-être dû au fait que les femmes qui ont un excès de poids ont une carence vitaminique plus importante que les femmes qui ont un poids normal. Un excès de poids peut également causer du diabète gestationnel, maladie liée à des cardiopathies et à d’autres problèmes. La majorité des femmes doivent consommer quotidiennement 300 calories de plus au cours des deuxième et troisième trimestres.
- Consommer assez de protéines (60g), de calcium (1 000 mg) et de fer (27 mg)
- Ne pas trop prendre de vitamine A, car elle peut également contribuer au développement de certaines anomalies congénitales (il en est de même pour un excès d’acide folique).
- Éviter toute exposition aux produits chimiques et aux substances toxiques (pesticides), au plomb et aux rayons X.
- Éviter toute exposition aux sources potentielles d’infection, p. ex. les viandes et les œufs mal cuits, ainsi que les excréments des chats qui peuvent causer une maladie très grave appelée toxoplasmose qui peut être mortelle pour le fœtus.
La cardiopathie congénitale a-t-elle des répercussions sur l’accouchement?
En général non. Comme pour tout autre type de naissance, une césarienne est nécessaire seulement en présence de complications ou si une femme est considérée à risque très élevé en raison de sa cardiopathie congénitale. Une naissance par voie vaginale est prévue.
Facteurs particuliers à prendre en considération après la naissance
Selon leur état, les femmes atteintes d’une cardiopathie congénitale doivent parfois séjourner un peu plus longtemps à l’hôpital après l’accouchement. Cela permet de laisser du temps à leur cœur de s’ajuster. Certaines femmes devront peut-être prendre des médicaments pour prévenir la formation de caillots dans les jambes, ce qui est plus courant après l’accouchement. Le médecin voudra effectuer un examen peu après l’accouchement pour vérifier le cœur et l’état de santé globale de la mère.
Pour les nouvelles mères, il est important qu’elles prennent soin d’elles-mêmes, pas seulement du bébé, en étant attentives à tout symptôme qui doit être vérifié. Il faut un certain temps pour s’habituer à la nouvelle vie avec le bébé, et la mère ne devrait pas trop se fatiguer ou attendre trop d’elle-même au début. Elle devrait demander l’aide des membres de sa famille et de ses amis, quand cela est possible.
Est-ce que le bébé souffrira aussi d’une cardiopathie congénitale?
Il est naturel de sauter aux conclusions, de s’inquiéter au sujet des prochaines générations et de se demander si le bébé souffrira également d’une cardiopathie congénitale. Nous savons maintenant qu’il existe un risque accru de transmission, et il semble que la maladie est probablement transmise par la mère plutôt que par le père.
En termes de risques, les chiffres varient entre 3 % et 5 %, quoiqu’ils peuvent être plus élevés dans certains types de cardiopathie. Les risques sont plus élevés pour les mères souffrant d’une cardiopathie congénitale que pour les pères atteints d’une cardiopathie congénitale. Le risque le plus élevé de transmission est observé chez les femmes souffrant d’obstructions ventriculaires ou d’anomalies du côté gauche du cœur.
Il est évident que le risque varie en fonction de la cardiopathie congénitale, et de la question à savoir si les deux parents ont une cardiopathie congénitale, ou si la cardiopathie congénitale est héréditaire. Il est donc important, avant la conception, que le couple discute avec un conseiller en génétique, et que la mère soit examinée par un obstétricien spécialisé en grossesse à risque élevé et un cardiologue qui possède de l’expérience dans ce domaine.